Le vélo qui fait voyager

mercredi 31 août 2011

Etape 29: Charleroi - Lille / 121 km (2142.5 km)





Ah mais quelle moule frite !!! Je ne sais pas ce qui est le plus responsable la fatigue ou ma bêtise mais toujours est-il que je jette dans mon sac de cabine mes pédales et les outils qui m'ont servi à apprêter le vélo pour son vol. Ce sera plus pratique pour le remonter me suis-je dis (ah bon, pourquoi ?) sans penser un seul instant que les douaniers allaient les confisquer à l'embarquement parce que c'est interdit, espèce d'huître sèche! Ce qu'ils ont fait bien entendu.



J'ai plutôt bien joué le coup parce que j'avais aussi ma tente dans le sac (Ils voulaient me faire payer un supplément parce que mon sac en soute était trop lourd donc j'ai dû la retirer) avec 10 piquets en aluminium acérés ! Alors j'ai tout de suite sorti mon multi-outil (pourri de toute façon). Le douanier n'a donc pas eu à fouiller le sac, il était très satisfait avec ça. Et mes pédales sont restées bien planquées sous mon pull. C'est déjà ça. Mais il a quand même vu la clé à molette de Cyrille (désolé :/ je t'en rachèterai une). L'ironie du sort, c'est que mon dérive-chaîne cassé a réussi à passer le contrôle, lui...



Et me voici à l'aéroport de Charleroi avec mes bagages et mon vélo comme un con parce que le guidon est aligné avec le cadre et que je n'ai pas la moindre petite clef allen sur moi pour le remettre en état.



Pendant que je cherche un moyen de desserrer ces satanés boulons, inspectons un peu ma monture. Il a plutôt bien voyagé. J'ai pris le soin d'emmailloter les pièces sensibles (lampes et dérailleurs) dans du film-mousse, ce truc qui sert à emballer les meubles et qui m'a servi de tapis de sol pendant tout le voyage. Par contre, le cadre a pris quelques éraflures. Il faudra que je pense à le protéger aussi la prochaine fois...



Bon, j'ai pas trouvé de solution, la seule chose que j'ai réussi à faire, c'est tordre la clef de mon antivol. Mais elle marche encore. M'enfin, vaut mieux plus que j'y touche. Je n'ai plus qu'à aller au stand information pour demander où je pourrais bien me procurer une clef allen. Ils téléphonent au service technique, mais le seul type qui en a est en intervention. Je commence à rentrer dans le monde absurde des belges en douceur mais c'est pas près de s'arrêter. Il n'y a qu'un type dans tout l'aéroport qui a le droit d'avoir des clefs allen ? M'enfin, c'est gentil d'avoir essayé, je n'en demandais pas tant.



Dépité, je me décide à prendre le bus pour me chopper un train. Je ne sais même pas s'il voudront bien accepter le vélo à bord et puis arrivé à Lille, le problème sera le même. Et je ne pourrai pas le mettre dans le métro. Quand j'avise un moustachu qui amène son petit-fils voir les avions en chevauchant leur bicyclette. C'est une chance inespérée. Je ne me fais pas d'illusion, il n'aura certainement pas de clef allen, mais il a un gros sac sur le dos alors on ne sait jamais. Je me précipite vers lui et oh, miracle ! Il n'en a pas. MAIS ! Il m'indique une station service à 800m où on lui a déjà prêté des outils quand il avait cassé sa chaîne. L'espoir renait !



Je courre aussi vite que je peux avec le vélo et son guidon qui ne tourne qu'à droite et tout son chargement vers la station. Je vous passe les détails sur les escaliers à descendre, les barrières à passer, la 2x2 voies sans trottoir... Confère la première phrase du post. Mais ils ont des outils et je peux enfin rendre à mon vélo une forme plus respectable et pratique. Pour les remercier, je leur achète un sandwich et quelques bricoles que je mange sur place.



Maintenant, j'ai deux choix: aller à la gare de Charleroi et prendre un train qui m'amènera à Lille en 2-3 heures tout au plus, attente comprise ou rentrer directement à vélo, pour un itinéraire de 120 km en n'ayant dormi que 4h cette nuit avec l'entrave de la signalisation routière belge, sans carte et sans GPS parce que la Belgique est un pays maudit pour ce qui est de l'orientation et que le téléphone n'arrive pas à chopper de signal... Ce qui devrait me prendre une bonne huitaine d'heures en comptant le temps perdu à me perdre.



Forcément, j'opte pour la seconde, car je suis le genre de personne à prendre des décisions logiques et sensées.



Ca commence fort, je n'arrive pas à m'extirper de la banlieue carolingienne. Je demande à quelques personnes mais elles se contredisent. Faut dire que je leur demande le chemin pour Mons. C'est trop loin, tu parles, à peine 40 bornes, et à part emprunter l'autoroute en voiture pour s'y rendre, ils ne voient pas trop comment faire. Alors j'achète une carte et je demande le bled suivant aux passants. Car une carte, c'est bien, mais sans panneau, ça ne sert pas à grand chose. Mais même là, leurs évaluation des distances est complètement disproportionnée. Une pauvre avenue de 800m devient tout de suite un long trajet de 4 km. Pas évident de se repérer dans ces conditions.



J'arrive dans une rue calme, en travaux. Un petit garçon me demande si je suis facteur. Attention, je sens que je rentre à fond dans l'univers absurde belge. Je lui réponds non, je suis un voyageur. Il me demande si je veux jouer avec lui. Je réponds non, que je veux juste rentrer chez moi. J'avise un ouvrier à une centaine de mètre, je pense qu'il saura m'indiquer mon chemin. Le gamin veut faire la course, je le laisse filer devant moi. J'interroge l'ouvrier. Il ne sait pas m'aider car il est de Liège mais il me dit que je n'ai qu'à demander à la fille, là. Je me retourne en me disant que ce n'est pas une fille, c'est un gamin et puis je lui ai déjà demandé, il ne sait pas. Quand j'aperçois par une fenêtre entrouverte une botte en cuir lacée jusqu'au genou chaussant une jambe qu'on décroise. La fenêtre s'ouvre en grand et un décolleté défraîchi et tanné se penche vers moi. J'étais en plein quartier rouge et je ne m'en étais même pas aperçu ! La prostituée commence à m'indiquer la route quand une ménagère plus agée, la maquerelle ou sa mère, vient en renfort depuis la pièce du fond pour me donner les explications. Enfin, je suis sauvé ! Une prostituée m'a remis dans le droit chemin ! J'ai du mal à ne pas rire devant l'absurde de la situation mais je peux enfin partir vers Lille, sûr d'être dans la bonne direction. Il faut juste tourner à droite au centre de bronzage l'été indien que je ne peux pas louper. Je les remercie chaleureusement, mais cette fois, je ne consomme rien !



Ensuite, je fais marcher le GPS humain. J'ai de la chance, toute la Belgique semble être de sortie. Je demande à tous les passants si je suis sur le bon chemin. Parfois, je ne m'arrête même pas:

"Boussoit, c'est par là ?"

"Oui, oui, tout droit !"

"Merci !"

'fin, tout droit est une notion toute relative en Belgique mais les belges sont d'une gentillesse rare qui contraste brutalement avec leur sordide banlieue. Tout est grisâtre et pue le gaz d'échappement. Je dois me prendre en quelques heures 50 fois plus de pollution dans les poumons que je ne me suis pris en un mois en Irlande. Mais leurs explications sont toujours très détaillées, tant que je reste dans le local. Une famille m'accompagne même à vélo pour me mettre sur la voie. Si je leur dis que je rentre à Lille, ils me prennent tout simplement pour un fou. Une dame me demande d'où je suis, elle pensait que j'étais flamand avec mon accent ! Elle est bien bonne celle-là.



Arrivé à Mons, je vais à L'office de tourisme pour avoir un plan de la ville. Et le type qui me reçoit me propose un itinéraire pour Tournai passant par les canaux. Mais bon sang, quelle bonne idée! Je ne peux pas me perdre en suivant les canaux! (Encore faut-il arriver à la chopper!) Je suis donc son parcours qui me fait passer par la zone industrielle, mais aussi une très jolie forêt où le chemin surplombe un canal aux eaux émeraudes. A un moment, j'accroche même un Raymond qui ne roule qu'à 5km/h de plus que moi. Et en plus, il est régulier. J'hallucine sur la taille de ses mollets qui semblent atrophiés. Je pense que c'est parce qu'il roule à cadence élevée plutôt qu'en force. J'arrive donc à le suivre sur 5 ou 6 km à 28km/h jusqu'à ce qu'il quitte le canal. Déjà ? Dommage... On se salue en se séparant.



Le reste se fait sans histoire. Maintenant que je suis à Tournai, je connais la route. J'ai juste envie d'un bon steak-frite alors je m'arrête en ville pour manger avant de rentrer.



Parti vers 13h de la station service, j'arrive vers 21h chez moi où m'attend un bon lit. Rhhââ, ça fait du bien !

2 commentaires:

  1. Bravo pour ce périple et ce beau récit !
    Mais au fait, on a pas vu une seule photo...hummm, c'est pour mieux apprécier la prose de ce carnet de route...ou ?... je sais !
    En fait tout ça c'est du flan, t'as passé 1 mois au club Med de Sainte Anne en Guadeloupe à rien branler sur la plage !!!!

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  2. Exactement ! C'est pour ça que je suis tout bronzé ! J'ai de l'imagination quand même non ?

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