Le vélo qui fait voyager

samedi 24 décembre 2016

L'aventure culinaire

Kagoshima, le 13 août 2016

風呂 a du mal à cacher sa déception. Il est entré dans ce restaurant car celui-ci se targuait de proposer un menu "sumo". Il pensait compenser son manque de chance de Nagoya en goûtant à la nourriture des lutteurs japonais.
Restaurant à Shibu onsen. Première surprise: les japonais y fument sans vergogne !
Mais il faut croire que les sumos lui en veulent car la serveuse lui fait comprendre dans un anglais approximatif que le resto ne propose plus de menu spécial "sumo" et lui enjoint gentiment de choisir autre chose sur la carte. Sauf que tout est écrit en kanji sans la moindre petite image pour l'aider dans son choix. Voilà ce que c'est de faire le malin et d'explorer les endroits un peu éloignés des zones touristiques !

Tempura de champignons cueillis dans la forêt
Voyant qu'il était un peu perdu, la serveuse a pris le temps de tout lui traduire en anglais mais ce n'était pas très compréhensible. Et lorsqu'il a crû reconnaître le mot "curry", 風呂 s'est réjouit. Ce n'est pas ce qu'il aurait aimé manger, mais ça aurait pu être pire. Il décida donc que ça lui irait très bien.
Petit déjeuner à Fukuoka
 La serveuse parût étonnée et lui demanda s'il était sûr de lui. 風呂 aurait dû comprendre alors qu'il était en train de commettre une énorme erreur, qu'il aurait dû prendre ses jambes à son cou ou tout du moins se raviser et prendre autre chose. Mais 風呂 est têtu...
A Beppu ou Obama, on cuit les aliments avec la vapeur des volcans
Cinq minutes plus tard, on lui amène son plat : une unique tête d'ail frite, entière et même pas pelée trônant, esseulée, au milieu d'une assiette... Mais quel restaurant digne de ce nom propose cela au menu !? Quelque peu surpris et désappointé, 風呂 se voit obliger d'en faire son repas.

Okonomiyaki d'anniversaire, une sorte d'omelette, spécialité d'Hiroshima
Il y a des jours comme ça où la chance ne vous sourit pas. 風呂 est résigné. Il est mal tombé ce soir, certes, mais cela fait partie des aléas du voyage. Et lorsque la langue du pays est totalement différente de la sienne, il faut être prêt à mettre n'importe quoi dans sa bouche.

Hakata motsunabe: spécialité de Fukuoka. Ce sont des tripes. Comme le fils du patron est pratiquement né le même jour que moi, il m'offre le repas !!!
Les deux premières gousses ne lui paraissent pas si mauvaises que ça. Mais se farcir tout une tête d'ail est quand même assez écœurant. Il sent bien aussi que les serveurs et les clients se paient sa tête. Qu'à cela ne tienne il mangera son ail jusqu'au dernier pion ! 風呂 a sa fierté.

Repas zen et stylisé à Tokyo, ce sont des nouilles de sarrasin: les soba
Grâce à cette démonstration de gaman ou peut-être par pitié, la serveuse lui amène une bière, offerte par la maison, puis son voisin de table lui propose un verre de shōchū, un alcool fort distillé à base de patate douce. Celui-ci vient de l'île de Yakushima. Çà tombe bien, c'est là qu'il compte se rendre le lendemain. Pour ne pas louper le ferry, 風呂 a même prévu de planter sa tente, sur un bout d'espace vert, pile en face de l'embarcadère.

Le Ayu: un petit salmonidé pêché à Gujo Hachiman
Puis ses voisins lui offrent des tas de plats à manger : de la soupe de riz, des sashimis de foie de poulet (crus donc) et des gyoza (des raviolis à la fois frits et cuits à la vapeur). Le shōchū coule à flot. Bientôt 風呂 connaît tous les clients et le personnel du bar. Finalement, il n'est pas si mal ce restaurant !

Soupe de riz
On se parle un peu en anglais, un peu en japonais, en faisant des gestes et des dessins. Le traducteur automatique du téléphone semble bien fonctionner du français au japonais mais quand la serveuse lui tend son téléphone avec un large sourire et qu'elle semble attendre une réponse, 風呂 est perplexe. Selon le traducteur, elle lui annonce qu'elle parle aux nuages...
Les izakayas, signalés par une lanterne rouge, sont de tout petits bars où l'on mange et boit pour pas très cher et propices aux rencontres sympathiques
Puis arrive le patron en personne. C'est un ancien sumo. A son tour, il offre à manger à tout le petit monde installé autour du comptoir. Il prépare un shabu shabu, une fondue japonaise, et demande comment s'appelle son invité occidental.

"Watashima Flo des", lui répond ce dernier qui à force de descendre les verres de shōchū est devenu quasiment bilingue.

C'est un nom assez simple pourtant les japonais ne savent pas prononcer deux consonnes à la suite. Ils sont obligés d'intercaler le son "ou" entre le F et le L ce qui donne "Foulo" ou "風呂".

Et cela fait bien rire son ami sumo: "Ah ah, c'est drôle, en fait tu t'appelles Baignoire !"

Le patron fait shabu-shabu. Littéralement, c'est le son que fait la viande lorsqu'on la touille pour la faire cuire dans la marmite.
En effet, "風呂" est un type de baignoire traditionnelle japonaise. Et là, tout s'explique! Baignoire comprend enfin pourquoi il aime tant se prélasser dans les onsens, ces fameux bains d'eaux chaudes volcaniques où les japonais adorent se détendre. Il était prédestiné pour cela !

Le patron prépare des gyoza
De plus, selon les kanjis qu'on utilise pour écrire son nom, Foulo peut aussi vouloir dire "Héron français" ou "qui ne meurt jamais". Bref, tout un programme ! 

Désert de luxe !
Mais il est temps de prendre congé et d'aller monter sa tente près du port car il est déjà 2h du matin. Il ne voudrait surtout pas rater le ferry sachant qu'il n'y en a qu'un par jour. Tout le monde se dit au revoir et on fait promettre à Baignoire de revenir après son escapade sur Yakushima.

Glace au thé vert maté et haricots rouges (la base de la plupart des desserts japonais) à Matsumoto
Maintenant qu'il est debout, l'effet du shōchū se fait violemment ressentir. Malgré tout, il retrouve son vélo sans trop de difficultés et s'achemine cahin-caha vers le port. Par contre, au moment de planter la tente, il ne s'en sent pas le courage. Tant pis, pour une fois, il dormira à la belle étoile. Il laisse son vélo tomber contre une haie plus qu'il ne le pose et s'affale de tout son long dans l'herbe pour s'endormir aussitôt.

Boulettes vapeurs. Baignoire apprécie particulièrement les onigiri, des boulettes de riz farci
Laissons le-là. De toute façon, avec tout l'ail qu'il a mangé, il ne craint rien. Les vampires de moustiques devraient le laisser tranquille !


Petit bonus de Noël 

L'un des mets emblématiques du Japon est le fugu. Il s'agit d'un poisson-bulle venimeux qui se gonfle d'eau et se hérisse de pics mortels pour impressionner le malheureux animal qui aurait l'idée saugrenue de vouloir en faire son repas. 

Les japonais l'accommodent de toutes les façons possibles, en sashimi, en cassolette, en tempura ou encore en soupe mais on ne sait pas trop bien ce qui en fait son succès: l'excitation du danger qu'il représente ou l'extrême subtilité de sa saveur qui se révèle assez fade pour le novice... 

Plaque d'é(fu)gout. Partout au Japon, les plaques d'égout sont de véritables œuvres d'art
Pratiquement tous les organes du poisson sont bourrés de toxines. Selon une serveuse, le fugu est un animal mystérieux et surprenant car les œufs de la femelle sont toxiques mais pas le sperme du mâle. C'est donc lui que les japonais consomment sous le nom de shirako (enfants blancs [sic]). La partie la plus dangereuse pour le gourmet kamikaze est le foie. On dit que lorsque vous en mangez, vous ressentez une sensation de picotement et que vos lèvres s'engourdissent

Cassolette de shirako, la laitance du fugu
Mais ne vous inquiétez pas. Peu de gens meurent parce qu'ils ont mangé du fugu. Les chefs qui se sont vus octroyer le droit d'en proposer à leur menu ont dû valider une certification extrêmement difficile que seuls 30 % d'entre eux réussissent. Lorsqu'un accident survient, il s'agit surtout de pêcheurs amateurs qui ayant attrapé un fugu sauvage ont voulu le préparer eux-mêmes. C'est donc prodigieusement rare. De plus les éleveurs ont compris que le fugu ne produit pas sa toxine lui-même mais qu'il la trouve dans ce qu'il mange et ont ainsi réussi à élever des fugu totalement inoffensifs en changeant leur alimentation. 

Les Japonais rapportent et s'offrent souvent de la nourriture comme souvenirs de leurs escapades touristiques
Si vous voulez déguster du fugu sauvage, il faut vous rendre sur l'île de Kyushu où se trouve Shimonoseki, une ville de pêcheurs dont c'est la spécialité. Vous arriverez à y trouver du fugu bon marché et bien préparé.

Shimonoseki, la ville qui respire fugu

mercredi 16 novembre 2016

La chasse fantastique

11-12-13 novembre 2016

C'est l'automne et c'est le temps de la chasse. Il parait qu'il y a tellement de sangliers dans les Ardennes que les chasseurs sont obligés d'atteindre leur quota de bête morte sous peine d'amende. Et on y aurait même aperçu un loup ! 

La chasse aux cols est ouverte dans les Ardennes
Alors j'ai décidé de m'y mettre moi aussi et de battre la campagne dans ce pays de contes et légendes pour y débusquer 10 petits cols répartis des deux côtés de la frontière avec mon fidèle braque bleu. Même s'ils sont modestes, j'espère bien les glisser dans ma gibecière.

Non, mais quand je disais que je partais à la chasse aux cols, c'était une image...
En chemin, je rencontre Charlie, un petit bout de 6 ans, qui m'embarque dans son camper-van en lego jusqu'à l'île de Pantelleria au large de la Sicile où il fait très chaud et où les maisons s'appellent des Dammuso. Bientôt, il va faire un grand voyage à vélo avec ses parents, de Namur à St Petersbourg.

Je quitte son petit coin de soleil pour pénétrer le glacial brouillard ardennais. Il est si persistant, que c'est lui qui finit par pénétrer mes vêtements imperméables. Bientôt, je ne sens plus mes pieds. Alors je m'arrête dans une auberge pour me réchauffer.

La brasserie de l'abbaye de Rochefort. Visites interdites.
Un vieux monsieur vient me parler. Il a la peau aussi fine et diaphane que de la feuille de brick. En lui serrant la main, je m'attends à ce qu'elle se craquelle. Tout à coup, je me retrouve en Camargue en 1955, un jeune homme de 17 ans s'est écroulé dans un fossé, terrassé par la fièvre. Il avait quitté son collège de jésuites en Belgique pour découvrir le monde et goûter au concept de la liberté, le seul mot qu'on ne lui ait pas enseigné dans son école. Heureusement pour lui, un groupe de gitans l'a recueilli et l'a soigné pendant des jours avec des remèdes à base de plantes. Il a donc décidé de passer un bon bout de sa vie avec eux avant de continuer à explorer le monde puis de revenir au pays. Il me rappelle un poète qui était venu faire l'école buissonnière dans ces parages.
Il est d'ailleurs temps pour moi de poursuivre mon périple à travers les collines ardennaises, le long de la Meuse et de la Semois, tout en évitant les chasseurs afin qu'ils ne me fassent pas deux trous rouges au côté droit.

Au détour d'un méandre, je m'installe à la terrasse d'un café, histoire de tenir une tasse chaude entre mes doigts. Il a neigé en haut du dernier col et je suis glacé. Jean vient s'installer à côté de moi et me demande si ça me dérange s'il fume une roulée. Je lui réponds que non. Il me dit que ça ne le dérange pas non plus que je boive un café. J'aime déjà beaucoup Jean.

Drôles de champignons
Puis il me demande si je connais Jacques Brel. Pas personnellement, que je lui réponds. Alors il m'emporte jusqu'aux îles Marquises où le grand Jacques est enterré. Et après quelques minutes, me voilà dans la garrigue, près de Toulon, alors qu'un incendie ravage la forêt. Jean a deux côtes cassées à cause d'un accident de moto. Malgré tout, il pourrait partir pour se mettre à l'abri du danger, mais il préfère rester aux côtés d'un ami qui ne veut pas laisser ses chèvres périr seules dans les flammes.

Ces chèvres gourmandes ont failli se faire roussir aussi
Finalement elles ont épargné la chèvrerie, mais on a quand même eu chaud. Pour me rafraîchir, je plonge à nouveau dans la brume ardennaise en me demandant quelles nouvelles histoires, réelles ou rêvées, elle va m'offrir.

Le village de Lessive et ses habitants échassiers, les chabots
Avec tout ça, je ne sais d'ailleurs plus très bien où je suis. Si j'en crois les couleurs de la forêt, j'ai dû découvrir, par mégarde, l'Eldorado tant convoité des conquistadors.
Le plus haut col s'élève à 464m mais c'est déjà du relief de montagne
Et la chasse aux cols dans tout ça...  Les kilomètres parcourus, le dénivelé, ... Ca n'a pas tellement d'importance. Une seule chose compte, c'est que le loup rôde dans le brouillard des Ardennes. Je l'ai vu !


Pan !


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mercredi 26 octobre 2016

La méditation Vazen


風呂 n'était pas venu au Japon en quête de soi ou de spritualité. Il voulait juste tâter du bitume, se dépasser physiquement tout en découvrant le pays, sa culture, sa cuisine et se détendre dans les onsens après avoir avalé les kilomètres pour en prendre plein les mirettes. Il a eu tout ça; mais tellement plus aussi. Il ne s'y attendait pas.

Ça a commencé dès le premier jour de voyage quand Hiroko, son hôte warmshowers, l'a emmené au temple pour lui faire découvrir la méditation zazen avant son départ. La religion, c'est pas trop son truc, mais c'était une chance de découvrir une partie de la culture japonaise et il ne voulait pas la louper. Ils se sont donc levés à 5h30 car la séance prend fin à 7h.

Temple bouddhiste où se pratique la méditation zazen
La méditation zazen consiste à se concentrer sur ce que l'on ressent au moment présent pour se libérer l'esprit, pour y voir plus clair et atteindre une sorte de paix intérieure. D'essayer, en tout cas. Le concept est un peu plus complexe que ça mais Hiroko le résume ainsi: Si tu ressens de la faim ou si tu trouves que tu as chaud, c'est bien. Il faut se concentrer sur ces sensations. Par contre, il ne faut pas te dire "tiens j'irais bien manger une glace!". 

Il ne faut ni se projeter dans le futur ni retourner dans le passé. Il ne faut pas non plus combattre toute forme de pensée mais les laisser venir et aller jusqu'à ce qu'on ne ressente plus que le présent. Un sacré exercice de funambulisme spirituel !

C'est d'ailleurs difficile pour 風呂, voire même périlleux car la méditation zazen se pratique assise (facile?) en position du lotus ou semi-lotus (aïe !).

Paysage zen sur Shikoku
風呂 se retrouve donc assis pieds nus sur un tatamis, dans un temple, entouré d'une demi-douzaine de personnes. Un moine en position du lotus parfaite lui fait face. 風呂, lui, arrive à peine à croiser ses jambes, dans la douleur qui plus est ! Il en ressent des sensations: ses articulations qui lui font mal, la chaleur, la goutte de sueur qui descend le long de sa tempe, ses vêtements qui collent à la peau. Il ne va jamais tenir plus de 5 minutes ! Ah non, ça il n'a pas le droit d'y penser. Vite, se reconcentrer... La méditation zen, ça le stresse ! Heureusement, le moine abrège ses souffrances en faisant retentir la clochette qui annonce la fin de son calvaire.

Et le début de l'aventure ! Tandis qu'Hiroko part pour sa journée de travail, 風呂 part pour l'inconnu.

Voyager à vélo est aussi une sorte de méditation. On répète inlassablement le même mouvement, et on rentre dans une sorte de transe semi-consciente. Le cerveau se déconnecte, les pensées défilent au rythme du paysage. On refait le monde, on refait sa vie, on pense à des conneries. Un insecte de ouf (ce n'est pas ce qui manque au Japon) vous rappelle que vous n'avez toujours pas vu le film Microcosmos. Puis à la fin de l'étape, on ne sait pas vraiment à quoi on a pensé pendant toutes ces heures...

Insecte de ouf !
Tout comme la médiation zazen, le voyage de 風呂 a également commencé dans la douleur. Pour le dénivelé et la chaleur, il savait. Mais ce à quoi il ne s'attendait pas, c'est la difficulté à communiquer avec les japonais. La plupart des japonais qu'il croise dans la montagne ne laisse transparaître aucune émotion à son égard alors qu'il aurait besoin d'encouragements dans les montées bien raides. Il chérit le peu qu'il reçoit comme des trésors. 

Dénivelé de ouf dans les monts Hida
Quand il s'arrête, certaines personnes tentent quand même de lui parler et il se fait même offrir une bière une fois mais beaucoup ne maîtrisent pas l'anglais ou sont trop timides pour oser le parler. Et quoiqu'il fasse aucune notion de japonais semble vouloir s'incruster dans son cerveau. Il comprend juste "doko" qui veut dire "où". Alors quand il entend ce mot, il dit tout: d'où il vient, d'où il est parti au début du voyage, d'où il est parti aujourd'hui, où il va...
Norikura, un stratovolcan qui fait partie des 100plus belles montagnes du Japon
Mais pendant 3 jours, 風呂 n'a aucune vraie conversation avec quelque japonais que ce soit. Et après des heures et des heures de selle en solitaire, ça lui pèse. 

Le Norikura Kogen culmine à 3000m d'altitude, la route à 2700m.
Pourtant 3 jours, ce n'est rien ! Une française rencontrée à Wakayama est restée un mois avec des japonais qui ne parlaient pas anglais lors de son Shikoku Henro, un pélerinage de 88 temples autour de l'île de Shikoku. Quand ils ont fait connaissance, elle en avait des choses à raconter !

Paysage zen dans le parc national de Chūbu-Sangaku
風呂, lui, a eu la chance d'arriver à Gujo Hachiman assez rapidement. Un joli petit village de montagne connu pour son festival de danse qui dure tout l'été, ses eaux pures, ses carpes qui recyclent les détritus de cuisine et ses fabriques de répliques de nourriture que les restaurants japonais placent dans leur devanture. Rien que pour tout ça, 風呂 était heureux d'y aller. Mais il n'était pas au bout de ses surprises.

Atelier de répliques de nourritures: Sample Kobo
Le soir même, il se fait emporter par un tourbillon d'enfants en kimono qui se répandent dans les rues et semblent tous aller au même endroit. Il suit le courant et se retrouve dans une cour d'école pour le festival de danse des petits. Les enfants font tout, la musique et les danses, sous le regard bienveillant des adultes qui leur montrent les pas. Les générations et les époques affluent toutes ici. La soirée a quelque chose de magique.

Fête de village très zen
Le village tout entier aussi. Le lendemain, il se rend à l'office de tourisme pour trouver un hébergement. Il y rencontre Miharu qui lui propose de l'emmener faire le tour de la région pendant son jour de repos.

Art de rizière - à l'honneur le Ayu, petit poisson de rivière
Au restaurant le soir, il rencontre Kei qui lui donne de précieux conseils et qui lui permet de mieux comprendre la culture et la mentalité japonaise. Il apprend par exemple, que si des japonais t'invitent chez eux à Kyoto et qu'au bout d'un moment ils te proposent de boire le thé, c'est qu'il est temps de tirer sa révérence.

Amida-ga-taki - une des 100 plus belles cascades du Japon
Lorsqu'il fait chaud, il se baigne dans la rivière en contemplant les gosses du village qui se jettent dans l'eau du haut des rochers et des ponts.


Il se la coule douce a Gujo Hachiman. Mais le temps ne s'est pas arrêté. Au bout de quelques jours, il repart, plus serein.

Hachiman est homonyme de "80 000", cette rue est donc composée de 80 000 galets
Au fur et à mesure qu'il avance, il se rend compte à quel point le Japon est idéal pour le voyage à vélo. Il y a peu d'infrastructures spécifiques, mais la cohabitation entre cyclistes, automobilistes et piétons se passe plutôt bien et il est aisé de trouver des itinéraires bis pour éviter les gros axes.


L'eau potable est quasi omniprésente et au pire, il y a des distributeurs de boisson partout, même perdus au milieu des rizières.

Le château de Gujo. Pas authentique mais tout de même sympathique
Pour les victuailles, il suffit de se rendre dans un des innombrables konbinis qui poussent comme de la mauvaise herbe sur le bord des routes. Il n'a pas sorti la popote une seule fois du voyage !

Les konbinis sont aussi un des rares endroits où l'on trouve des poubelles
Et pour dormir, il plante sa tente dans les parcs. Tant qu'il se fait discret et respectueux, ça ne pose pas de problème. Les gens qui passent lui disent bonjour ou bonsoir et lui font même la conversation. Il y trouve de l'eau, des toilettes avec de l'électricité pour recharger son portable toute la nuit et surtout un panorama magnifique plus souvent qu'à son tour. Mieux qu'un camping de luxe, c'est l'auberge des mille étoiles !

Après où est Charlie, où est Big Agnes (ma tente) ?
Il aime se débrouiller par lui même, mais il sait aussi qu'il peut compter sur la sympathie des japonais si jamais il en avait besoin. Et c'est important. Il sait aussi que lorsqu'il traversera un moment difficile pendant le voyage, il y aura toujours un Gujo Hachiman au détour de la route pour le surprendre et l'émerveiller. Il n'y a donc jamais vraiment de raison de s'inquiéter.

Shirakawa-go et ses habitations montagnardes typiques aux toits en forme de "mains jointes"
Il avait d'abord envisagé son voyage comme une course aux kilomètres, il ne voulait rien louper, en voir un maximum. Finalement, il ne se passait pas grand chose. Maintenant, il va zen et il en voit et en vit davantage.

Brumes après la pluie
Petit à petit, il apprend à prendre tout son temps. Il essaie d'enregistrer mentalement le moindre détail de ce qu'il voit, de ce qu'il ressent, de profiter au maximum de tous les instants de son séjour, de savourer le moment présent même si ce n'est pas toujours facile ni possible. Il ne se préoccupe aucunement de ce qu'il mangera ce midi ni d'où il va dormir ce soir. Il verra le moment venu. Son esprit est libre, disponible pour accueillir tout ce que le voyage a à lui offrir.

Il est devenu zen.

Presque malgré lui.