Le vélo qui fait voyager

vendredi 23 septembre 2016

La quintessence du Japon

23 juillet 2016

風呂 est à Nagoya, une ville de grattes-ciels orgueilleux, de pachinkos bruyants et enfumés, de centres commerciaux gigantesques et d'arcades de jeux survoltées. 
  
Arcades
Ce n'est vraiment pas le côté du Japon qu'il préfère ni qu'il désire voir. Que vient-il faire dans cette ville aux allures futuristes alors ? 

Parking à vélo automatique
Il est ici pour voir un tournoi de sumo, le fameux sport ancestral japonais.

"Le sumo, c'est la quintessence du Japon. Une tradition millénaire qui concentre toute l'âme de l'archipel", lui explique Aki, son voisin de derrière, qui fait aussi la queue pour tenter d'obtenir un précieux billet pour la finale du Nagoya Bashō.

風呂 a quitté Gujo Hachiman hier à 17h00 après avoir rencontré un microbrasseur local. Il a suivi un cours d'eau qui descendait en même temps que le jour en profitant encore un peu de la beauté de la montagne. 


Puis il s'est retrouvé sur des petites routes forestières, en pleine nuit. Tout à coup, il a espéré ne pas se retrouver nez à nez avec un des ours contre lesquels de nombreux panneaux l'ont mis en garde. 

Ceci serait-il un piège à ours?

Fort heureusement, mis à part quelques bestioles inoffensives et plus effrayées que lui, il ne fit pas de mauvaises rencontres. Puis il a traversé l'interminable damier de rizières et de maisons qui s'étend sur des dizaines de kilomètres jusque Nagoya. Vers 23h, il a planté sa tente dans un parc proche du château où des jeunes à moto écoutaient du J-rock. Son but étant de se lever à 5h30 le lendemain matin afin de mettre ses affaires à la consigne de la gare puis d'aller chercher sa place.

Les parcs urbains du Japon sont d'excellents campings ***: eau, toilettes, électricité et animation gym tous les matins
La vente commence à 7h45 et seuls 200 tickets sont disponibles pour le jour même. Quand il arrive au stade pour prendre place dans la file d'attente dès 6h30, il est déjà trop tard... 

Les oriflammes au nom des stars du sumo. Les tambours annoncent le début du tournoi.

"Tu sais qu'on n'aura pas de place ?", le prévient Aki. Une file d'au moins 250 personnes serpente devant eux. A une trentaine de mètres, un homme tient une pancarte sur laquelle il est écrit "A partir d'ici vous êtes certains de ne pas obtenir de billet". C'est écrit en kanji donc 風呂 a une excuse pour continuer à attendre mais les japonais ? "On espère que des gens auront un problème, qu'ils ne pourront pas payer... "

Autant espérer qu'ils se fassent enlever par des extra-terrestres ou qu'ils subissent une combustion spontanée! Les dix premières personnes situées juste après la pancarte peuvent encore espérer un peu mais pour Aki et 風呂, c'est perdu d'avance!
Il vaut mieux venir avec un gaman blindé
Aki le sait bien tout comme les nombreuses personnes qui patientent derrière eux. Mais tout de même, ils attendent. Soudain, une idée un peu farfelue traverse l'esprit de 風呂: et si Aki l'avait abordé pour le décourager et gagner une place? Ce serait bien fourbe de sa part ! Et surtout inutile car 風呂 est bien décidé à mettre son gaman à l'épreuve.

Le gaman n'est pas un superhéros comme Anpanman (personnage star de dessins animés japonais pour enfant, qui se fait manger la tête par ses amis quand ils font une crise d'hypo). C'est un terme zen qui désigne l'art d'endurer ce qui semble insupportable avec patience et dignité. 

風呂 n'aura pas tellement l'occasion de le mettre en pratique. A 8h10, tous les billets sont déjà écoulés. Cependant, Aki a encore un espoir: "Viens, on va aller voir les sumos combattre au centre d'entraînement!"

Les stars arrivent au stade en 4x4, les jeunes sumos arrivent à pied ou en métro
En chemin, Aki explique que les combats de sumos gagnent à nouveau en popularité mais que la plupart  des lutteurs viennent d'Europe de l'Est ou de Mongolie. Aucun japonais ne figure dans le plus haut rang du sport. Son préféré est Mongole d'ailleurs. Il adore ce sport mais si ses enfants voulaient devenir sumotoris, il le leur interdirait car c'est un style de vie difficile, une carrière courte et une reconversion quasi impossible. 風呂 se demande comment on peut avoir l'idée de devenir sumo quand on est né en Europe de l'Est.

La salle d'entraînement

Ils arrivent au centre, mais là encore, la chance leur fait défaut: c'est le dernier jour du tournoi donc il n'y a pas d'entraînement. Ils voient juste 2-3 sumos se balader en caleçon en se brossant les dents devant quelques fans. 風呂 a du mal à imaginer la même scène en league 1.


Quelque peu déçu, Aki part rejoindre sa famille tandis que 風呂 traîne dans les rues de Nagoya. Ce soir il dormira mal pour pas cher comme tant d'autres voyageurs dans un internet café situé près de la gare car il a la flemme de remonter la tente. 

Près de la gare de Nagoya
En attendant il admire jusque tard dans la nuit, une centaine d'étudiants en costumes traditionnels qui répètent inlassablement une chorégraphie à couper le souffle. Ils s'entraînent dur pour le Nippon Domannaka Matsuri, un festival de danse qui aura lieu dans moins d'un mois. Derrière lui, une centaine d'autres étudiants semblent errer sans but, sans se voir, sans se parler, les yeux rivés sur leur portable. Ils chassent le Pokemon, tels des zombies en manque de cerveau frais.

Des centaines de groupes d'étudiants s'entraînent pour le festival
A Nagoya, 風呂 n'a pas pas vu de combat de sumo... Mais il a quand même goûté à la quintessence du Japon.

dimanche 18 septembre 2016

Ça commence bien, le Japon !

15 juillet 2016

Rincé, 風呂 est complètement rincé. Il a fait 130 km hier et 80 aujourd'hui sous une douche continue. Alors que lui préfère plutôt les bains de soleil...


Hier, ça allait encore. Il s'est levé à 5h30 pour aller au temple et découvrir la méditation zazen avec Hiroko, son hôte Warmshowers. Après un bon plat de soba pris en sa compagnie, il est sorti de Tokyo comme on sort d'un petit village, en sillonnant des petites rues tranquilles puis en longeant des canaux bordés de terrains de golf et de baseball. Il était plein d'entrain. C'était plat, il faisait beau. Des petits vieux jouaient au croquet. 



Puis le déluge s'est abattu sur lui et son objectif de 150 km s'est révélé trop ambitieux. Il n'avait pas non plus prévu de se faire une tendinite un mois avant son départ. Il n'est pas aussi affûté qu'il aurait aimé l'être... Il aurait peut-être dû revoir ses itinéraires à la baisse mais il est trop tard.

Un des sommetsdu Mont Haruna
Aujourd'hui, il ne fait que pleuvoir. Et monter. Pleuvoir et monter. Et malgré la pluie, ça monte sec. Il a beau avoir étudié le profil, il ne pensait pas que le dénivelé serait aussi rude aussi rapidement. Les Alpes japonaises ne sont pas là pour faire de la figuration même si pour l'instant elles se cachent derrière un rideau de pluie tressé de gouttes épaisses et lourdes. De ces gouttes qui semblent transpercer la peau. Il n'est pas trempé, il est liquéfié. Que dis-je, il est eau. Des vêtements de pluie ne serviraient à rien d'autre que de baigner en outre dans sa sueur.


Les jambes n'en peuvent plus. Mais bon sang quand est-ce que ça descend? Allez, encore un dernier virage pour voir. Il a encore de l'espoir mais non. Après le virage suivant, il s'arrêtera. Il avait prévu de faire une étape de 100 km auxquels il faut rajouter les 20 qu'il n'a pas fait hier. Il est loin du but. Allez, encore un virage et si ça ne descend pas, tant pis, il plantera la tente !


Et ainsi, tour de pédale après tour de pédale, à coup de marchandage entre sa tête et ses jambes, il arrive à un péage. Sur une petite route, au beau milieu des montagnes, cela lui paraît totalement incongru. Mais ce n'est pas pour de rire et on lui fait comprendre qu'il ne peut pas passer à vélo. Il faut faire demi tour.

Péage sur la Nihon Romantic Road
Il y a des jours comme ça... Et ce n'est que le 2e de son périple de 6 semaines. Et bien, ça promet, le Japon !

L'itinéraire que le préposé lui montre lui rallonge la route d'au moins 20 km. Mais ce serait 5 km, ça ne changerait pas grand chose. Il est complètement rincé. Il ne comprend pas pourquoi la route est interdite aux vélos, c'est pas une autoroute ! Et puis rien ne l'indiquait, pas un panneau pour signaler l'interdiction aux vélos. Il a fait 80km et il n'en peut déjà plus. Il ne peut pas faire de détour...

A base de gestes et d'anglonnais, 風呂 arrive à faire comprendre sa surprise, son indignation, sa lassitude, sa frustration. Il en rajoute un peu aussi.

Chotto maté (attendez un peu), lui répond le garde-barrière. Il passe un coup de fil. Puis un 2e. Puis il en reçoit d'autres. Il doit certainement tenter d'obtenir une autorisation spéciale pour que 風呂 puisse passer. C'est sympa. Il espère aussi que ça descend après et puis il faut toujours chotto maténer...

Pendant ce temps les voitures défilent. Au moins 風呂 se repose. Mais s'ils le font attendre pour rien, ce ne serait franchement pas drôle. Allez, y'en a marre de chotto maténer, 風呂 essaiera de se faire embarquer par la prochaine camionnette qui passe!

Mais ce n'est finalement pas la peine. Une fourgonnette de la compagnie de péage arrive pour lui permettre d'emprunter cette fichue route. Encore mieux que tout ce qu'il espérait!

On attache son vélo dans la benne, il monte à bord de l'engin et demande s'il doit quelque chose. Non, non, service spécial! Waoh, domo harigato gozaïmasse! L'équipage s'en va. 

Une odeur nauséabonde commence à envahir l'habitacle. Ce ne serait quand même pas l'un de ses deux chauffeurs qui... Non, c'est dans l'air. Étrange.

Après une vingtaine de kilomètres ils atteignent la fin de la route à péage mais les ouvriers poussent encore un peu pour l'amener un peu plus haut sur la route principale. C'est vraiment chic de leur part.

1600m, 1800m, la route ne fait que monter. Pas un seul replat. On franchit bientôt les 2000m. Finalement quelle chance ce péage! Jamais il n'aurait réussi cette ascension aujourd'hui dans un tel état de fatigue!
Néanmoins, il reste toujours une grosse centaine de mètres de dénivelé pour atteindre le sommet. Ce ne sera pas chose facile mais après tant de chance et de générosité, 風呂 se doit d'y arriver. Une manière de remercier le personnel du péage en quelque sorte.

Après quelques efforts, le sommet, enfin ! Il comprend aussi la raison de l'odeur de soufre qui importune ses narines : il vient de gravir un volcan, le Mont Kusatsu-Shirane! C'est un panneau qui le lui fait remarquer car malheureusement, il n'en verra pas grand chose: la montagne est enveloppée dans un épais brouillard. Dommage car un de ses lacs acides est, paraît-il, d'un bleu turquoise teinté de jaune sulfure des plus splendides.

風呂 n'a pas spécialement de regrets. Il n'a pas trop envie de faire des chatouilles au géant endormi avec son vélo. Un vingtaine de kilomètres de descente lui tend des bras de bitume accueillants et il a hâte de se jeter dedans.

Finalement, ça commence bien, le Japon !