Le vélo qui fait voyager

dimanche 12 mars 2017

[Zythocyclade 12/12 - Kobokobo] Chevalier du zythodiaque

22 juillet 2016

Cela fait déjà un an que Saint S'eigar parcourt les sanctuaires de la bière avec ses compagnons. Après avoir effectué 11 zythocyclades en 11 mois, il ne lui en manque plus qu'une pour boucler le cycle. Aucun de ses compères n'a pu le suivre jusqu'au Japon et c'est seul qu'il lui faudra atteindre l'ultime temple, de l'autre côté de la Terre.

Heureusement pour lui, le Japon vit le même renouveau de la bière que partout ailleurs dans le monde. Les microbrasseries s'y multiplient comme levure de bière à bonne température surtout depuis que les fabriques de saké ont le droit de brasser de la bière. Ce qui est logique puisque le saké est également obtenu par brassage et fermentation. Seules différences, le saké ne contient ni  houblon ni malt. Il est produit à partir de riz cuit à la vapeur et ensemencé par une levure spéciale, moitié-moisissure moitié-champignon, appelée koji. C'est elle qui va se charger de casser les amidons afin de créer des sucres plus simples que les autres levures pourront consommer et transformer en alcool.

 
Musée du sake de Kyoto
Pour achever le cycle des douze sanctuaires dans le temps imparti par la tradition millénaire depuis au moins 2015, Saint S'eigar se doit de trouver le temple suprême avant la fin du mois. Ce ne devrait pas être trop difficile car les microbrasseries sont presque aussi nombreuses au Japon que les constellations dans le ciel. Il en repère quelques unes qui se trouvent plus ou moins sur son chemin.


Mais le long fleuve qui devait le mener à la bière n'était pas si tranquille que ça. Tous les sites brassicoles qu'il consulte au préalable pour se renseigner sont en japonais. Les traductions sibyllines des automates lui apportent bien peu de renseignements. Elles lui donnent juste l'impression que les visites de brasserie ne font pas vraiment partie des tradition nippones. 

Dégustation
Avant de partir, il va donc trouver un vénérable maître en japonais pour l'aider à écrire une missive aux brasseurs. Il leur explique sa mission afin de s'assurer de ne pas trouver porte close. En vain car il n'obtient pas de réponse.



Il ne s'avoue pas vaincu pour autant et cible 3 ou 4 temples sur sa route. Son biru henro peut commencer ! Mais les embûches se bousculent pour se dresser en travers de son chemin. A commencer par son pire ennemi: lui-même !


A force d'observer des singes qui se baignent dans un parc naturel de Yamanouchi, Saint S'eigar perd son objectif de vue. Il se prélasse dans des onsens immémoriaux et erre sans but dans la ville. 


 A 16h50, il se rappelle subitement qu'il pourrait visiter la brasserie Tamamura Honten qui se trouve juste de l'autre côté de la rivière.


Elle ferme à 17h30, c'est jouable, mais il ne faut pas traîner. Il enfourche sa bécane, se faufile entre les flâneurs dans le dédale de petites rues, fonce sur une passerelle pour traverser la rivière et gravit une côte sévère à toute vitesse. 


Cinq minutes à peine plus tard, il arrive tout essoufflé au teppa room, lieu de dégustation de la brasserie, pour se rendre compte qu'il n'avait aucune chance d'y entrer. Celui-ci ferme ses portes à 17h00.


Le lieu est d'ailleurs désert et le tenancier est en train de fermer boutique, certainement heureux de pouvoir rentrer chez lui plus tôt. Saint S'eigar n'a pas l'intention de le laisser profiter de cette bonne aubaine aussi facilement. Il le hèle pour tenter de le rallier à sa cause. Sans succès. Le gaillard reste aussi hermétique que sa brasserie. Derrière lui, de larges baies vitrées offrent les charmes de ce temple interdit à la concupiscence du badaud, à la fois proches et inaccessibles. Il lui indique tout de même un endroit où l'on peut déguster quelques échantillons de leur production.


Encore sous le choc et tout en méditant devant une Shiga Kogen, Saint S'eigar est tenté de considérer ce demi-fiasco comme une réussite totale et d'en rester là. Mais il reprend très vite ses esprits. Ce ne serait qu'une "mythocyclade". Impossible d'achever une quête de manière aussi pitoyable. 

Il poursuit donc l'aventure et arrive à Matsumoto. Saint S'eigar traîne dans les ruelles de la vieille ville, déguste de la glace au thé vert car il fait bien trop chaud, admire le noir château des samouraïs à l'ombre des cerisiers car décidément il fait vraiment trop chaud... Et oublie complètement ce qu'il était venu faire là. Ce n'est que quelques jours plus tard, qu'il se rappellera qu'il aurait pu y dénicher une brasserie. 

L'un des 12 châteaux authentiques du Japon
Qu'à cela ne tienne. Il compte maintenant sur la brasserie de Takayama pour mener enfin sa quête au but. Il ne lui reste plus qu'une dizaine de jours pour accomplir sa mission. Encore faut-il qu'il ne se laisse pas envoûter par le pittoresque village de montagne d'Hida ou qu'il ne s'égare du chemin qui doit l'emmener à ce dernier sanctuaire. Et combien même, il sait déjà que la brasserie ne se visite pas. On peut juste l'admirer derrière une vitre. Il se demande si deux demi-zythos en valent une.

Entre temps, il reçoit enfin une réponse de Tetsuya Matsumoto, un brasseur de Gujo-Hachiman. Il lui annonce qu'il est possible de venir le rencontrer. Saint S'eigar laisse tomber la brasserie de Takayama. Après une rude journée de vélo, il préfère se perdre dans les onsens pour y dissoudre la douleur de ses muscles raidis par la belle mais éprouvante montagne.

Onsen mieux !
Son amour de l'eau volcanique aura-t-elle raison de sa soif d'autres liquide? Non, car quelques jours plus tard, il arrive enfin à Gujo. S'eigar sillonne la ville de long en large pour trouver la brasserie que cachait une sobre façade de bois. 

Brasserie kobokobo
Derrière celle-ci, il découvre un agréable jardin japonais. Les deux ou trois tables qu'il abrite invitent le visiteur à s'installer et se reposer à l'ombre en appréciant quelques bières. Il ne peut imaginer plus bel et extraordinaire écrin pour une brasserie.

Celle-ci est toute petite. On ne peut même pas y entrer. Depuis une fenêtre, le brasseur tend les verres que les clients commandent. Saint S'eigar s’enhardit à demander quelques conseils et explications mais la communication est difficile car le maître-brasseur n'a que quelques rudiments d'anglais. Les deux zythophiles semblent tous deux déconcertés par la situation. 

Les reproductions en résine...
La vraie !
Saint S'eigar sort alors de sa sacoche son attaque la plus puissante : une bouteille de 75cl de Moulins d'Ascq qu'il offre au brasseur.

L'incompréhension ne peut que s'incliner devant une telle intensité ! Tetsuya soulève une trappe et tous deux se retrouvent aussitôt au sous-sol de la plus petite brasserie que Saint S'eigar n'ait jamais vue. Tout l'espace est optimisé à la japonaise, un vrai tétris en 3D où tous les éléments qui servent à élaborer la bière s'imbriquent dans 15 mètres cubes. S'il a bien compris les explications de Tetsuya, il se passe même de cuve de fermentation. Il mets ses bières directement dans des fûts étroits et cylindriques pour économiser de la place.

Tétris brassicole !
Autrefois ingénieur, ce passionné a tout laissé tomber pour ouvrir son établissement et vivre de sa production.


Après cette visite, Saint S'eigar achète quelques bouteilles. Et Tetsuya ajoute quelques sachets d'edamame, l'équivalent nippon des cacahuètes qui accompagnent tout apéro digne de ce nom.

Tetsuya Matsumoto
Quelques jours plus tard, elles seront bues avec ses fantastiques hôtes de Kyoto à qui il est venu rendre visite afin de clore définitivement et en apothéose la saga des douze zythocyclades.

Tetsuya rajoute à la main le nom de chaque bière sur l'étiquette

... Avant la prochaine !

(Avertissement: une contrepèterie s'est glissée dans ce texte)