Le vélo qui fait voyager

dimanche 27 décembre 2015

La grotte de Menon


Parfois on cherche l'aventure à l'autre bout de la terre en parcourant des centaines de kilomètres. Parfois, on la trouve presque sur le pas de la porte lors d'une petite sortie post-prandiale à VTT.


Ce jour-là, je m'étais mis en quête de la grotte Menon située à une demie-douzaine de kilomètres de la maison. Oh, je n'aurais pas été le premier ni le dernier à y mettre les pieds bien sûr. Mais ce n'était pas là l'important, ce qui comptait c'était le plaisir de l'exploration et de la découverte. Aucun chemin ne semblait y mener sur la carte. Il allait donc falloir que je sorte des sentiers battus et je me préparais un itinéraire qui passait au plus proche.

Mais voilà, les sentiers forestiers sont un concept mouvant (et glissant). Certains, bien réels sur la carte, s'évanouissent dans les broussailles comme un rêve. D'autres inexistants chez les cartographes vous promettent une fois sur le terrain de vous emmener jusqu'au bout du monde. Ces promesses ne sont bien souvent pas tenues.
 

La forêt était d'ailleurs particulièrement retorse ce jour-là et semblait bien décidée à défendre farouchement ses secrets. Boue, ornières, végétation... Tout semblait s'être liguer pour me mettre littéralement des bâtons dans les roues. Les ronces m'attrapaient les chevilles pour me faire trébucher, les pierres se dérobaient sous mes roues pour me faire vaciller, les tapis de feuilles mortes dissimulaient des abysses pour que je m'y engouffre, les branches s'unissaient pour stopper net ma course.

Tapis sous la mousse, d'affreuses branches tendent une embuscade
La progression était difficile et j'errais lentement dans les bois pendant quelques heures. Je suivais toutes les pistes possibles même les chemins les moins perceptibles. Je sentais la grotte toute proche et pourtant elle ne voulait pas se laisser apercevoir. Las, je retombais sur un chemin connu, je le descendais un peu dépité. J'avais alors pratiquement renoncé à trouver cette grotte.

Une des nombreuses cavités qui parsèment les bois mais ce n'est pas la grotte Menon



Graffitis ornant cette grotte
Une nouvelle chance se proposa tout de même à moi sous la forme d'un chemin de forêt qui ne menait nulle part sur la carte. Je le suivais sans trop y croire, j'aurais au moins découvert une nouvelle partie du bois.

L'avez-vous vue également?
Mon cerveau ne calcula pas tout de suite. Je roulais encore quelque mètres avant de me crisper sur les freins. Les deux taches noires que ma vision périphérique avait enregistré pourraient être l'entrée d'une grotte. Je regardais mieux à travers les arbres dénudés. Oui ! Ca pourrait bien être ça. L'été, j'aurais pu passer devant des centaines de fois sans la voir à cause du feuillage. Mais à la faveur de l'hiver, j'avais enfin trouvé l'emplacement de la grotte Menon! Place à la visite.

L'entrée creusée dans une crevasse et dissimulée sur le côté
Le couloir qui mène à la salle principale
La salle principale
Des signes d'aménagement
Déco de style rupestre
Panorama depuis la grotte

Sur le chemin, j'ai croisé d'autres cavités creusées par l'homme. Que ce soient des ouvrages militaires, des habitations troglodytiques (creuttes) ou d'anciennes carrières, elles possèdent toutes cet aura de mystère qui titille l'imagination, pousse à la rêverie et vous interroge.


Creuttes de Mons-en-laonnois
Batterie avancée du fort Serurier
Qui était ce Menon, un père de famille exploitant la carrière, un ermite? Qui a ensuite investi les lieux: des braconniers, une bande de voleur ou un marginal mis au ban de la société comme Rikiki ou le Caré?


Quel rapport entre un tumulus gallo-romain qui servait de "panneau de signalisation" et le tombeau de Brunehaut dont il prend le nom? A quels soldats tel trou a-t-il pu servir d'abri? Ces ravines sont-elles des tranchées creusées par les poilus?

Une seule chose est sûre: oubliées des hommes, ces creuttes abandonnées accueillent surtout les rêves de quelques chauve-souris endormies.



Le circuit


Voir en plein écran

mardi 8 décembre 2015

(Zythocyclade 05/12 - Brasserie St Germain) Une virée au poil !



Chère Maman,

C’est aujourd’hui que nous prenons le train pour accomplir notre mission que nous préparons depuis des semaines.


Voir en plein écran
Dans mon compartiment s’alignent avec moi 4 poilus à la barbe hirsute dont une exception qui confirme la règle. "Pourtant la Ste Barbe c’était hier!", nous fera remarquer le jovial contrôleur. Celui-ci a d’ailleurs une autre mission pour nous. Il va appeler sa collègue dont c’est l’anniversaire aujourd’hui et nous devrons lui chanter « Joyeux anniversaire » à son passage. Aussitôt dit, aussitôt fait, le contrôleur nous remercie même au micro à l’arrivée en expliquant à tout le train le but de notre voyage: partir d’Arras à vélo pour récupérer des munitions à la brasserieSt Germain d’Aix-Noulette et tenter de revenir entier.

Bref, nous partons joyeux, insouciants, la fleur au guidon avec la volonté d’en découdre. Les côtes ne nous font pas peur, maman ! Elles verront bien de quel charbon on se chauffe.
Les terrils de Loos-En-Gohelle ©Poilvain
A Arras, nous retrouvons le commandant Poilvain et son détachement qui viennent de Paris pour nous prêter main forte. C’est la dernière mission Dodéc’houblax de Poilvain et il vient officiellement passer le flambeau à la section Nord. Je me blinde en apparence mais je suis touché.

Citadelle d'Arras ©Poilvain
On quitte bientôt la ville. Dès le départ le tankdem est accablé par une hernie au pneu arrière. Espérons qu’il tienne le coup ! La première percée se fait au Mont St Eloi. Les nouvelles recrues sont un peu décontenancées. Cependant et malgré quelques dégâts (un dérailleur tordu sur le vélo de Poiloris) la place est prise au bout de quelques minutes. Ici on trouve les ruines d’une ancienne abbaye pilonnée pendant la première guerre mondiale. Ses vestiges ont été conservés comme témoins de l’horreur destructrice de ces 4 années de folie meurtrière et on les aperçoit à des kilomètres à la ronde.
Mont St Eloi
Nous repartons. Pour contrecarrer le vent, nous nous jetons de vallée en vallée d’où surgit à chaque fois la pointe effilée d’un clocher qui crève le ciel comme une baïonnette percerait l’uniforme d’un poilu.

Puis nous nous jetons à l’assaut de la crête de Notre Dame de Lorette. A chaque fois qu’un pourcentage tombe sous nos roues, d’autres se relèvent inlassables et toujours plus nombreux. 10, 15, 20%, la montée est implacable. Nous poursuivons malgré les assauts du vent. Les dérailleurs s’enrayent, beaucoup de nos camarades sont arrêtés net et posent pied à terre. Et tout à coup, quand on n’y croyait plus, le sommet ! 
Notre Dame de Lorette
La colline domine toute la région et on imagine bien l’importance stratégique du lieu. Près de 200 000 soldats y ont trouvé la mort entre octobre 1914 et octobre 1915. C’est là aussi que sont enterrés des milliers de poilus. L’alignement de croix de la nécropole, le plus grand cimetière militaire français, donne le vertige mais ce n’est encore rien à côté de la masse de noms qui couvre l’Anneau de la Mémoire. Inauguré en 2014, ce vibrant et émouvant message de paix réunit sans distinction de nationalité ou de religion 600 000 combattants de 40 nationalités différentes morts dans le froid et la boue du Nord-Pas-de-Calais. 
L'anneau de la mémoire
Pas le temps de creuser une tranchée cependant. Il faut avancer pour atteindre l’estaminet. Cinq minutes plus tard, c’est la quille. On profite pleinement de la chaleur de l’endroit car on sait que l’on doit bientôt repartir au front. Les plats copieux nous ragaillardissent mais à peine finis, il faut déjà y aller. L’opération est minutée précisément et le moindre retard pourrait mener notre mission à sa perte. Le brasseur a bien insisté pour que nous arrivions à 14h30 pile !
Estaminet A l'potée d'Léandre
La force du vent et la résistance des montées est plus importante que prévue. Poilubert est en souffrance avec son char d’assaut. Il ralentit le groupe et propose qu’on continue sans lui. Mais on ne laisse personne derrière, bon sang ! Un commando file en éclaireur tandis qu’un peloton reste avec lui pour le soutenir et finalement nous atteignons notre but avec un retard de 5 minutes à peine.

Brasserie St Germain

La brasserie St Germain est connue pour la Page24. Le nom de cette bière aurait été inspiré par un grimoire datant de 1176 sur « La bière et ses bienfaits » dont il manquerait une page sur laquelle un important secret de fabrication était soi-disant révélé. Cette page était évidemment… la page 24. 


Depuis 2002, cette micro-brasserie familiale s’est agrandie petit à petit et a progressivement élargi sa gamme. Il s’agit maintenant d’une brasserie artisanale qui produit plus de 10 000 hectolitres par an. On y apprend qu’avant d’utiliser le houblon pour donner du goût à la bière, on utilisait autrefois toute une variété de parfums comme la coriandre ou l’ortie. On y apprend aussi que l’on consomme 78L de bière par an et par personne dans le NPDC et qu’une soixantaine de brasseries y sont présentes. Les Zythocyclades ont un bel avenir devant elles !
Recherche et Développement: Top secret défense !
Mais il faut repartir avant que les renforts de la nuit ne viennent soutenir le vent pour nous frigorifier. Et il nous reste Vimy à faire capituler.
A la sortie de la brasserie, une nouvelle explosion de dérailleur est fatale au vélo de Poiloris. C’est déchirant, mais on est obligé de l'abandonner sur place car il ne peut plus avancer du tout. Il faudrait amputer la patte de son dérailleur. Il promet qu’il essaiera de nous rejoindre par tous les moyens possibles. Mais il faut être réaliste, on sait au fond de nous qu’on ne le reverra plus.

Nous ne sommes donc plus que 10 à poursuivre l’aventure mais comme on dit, à la bière comme à la bière ! Petit à petit Poilémy et moi-même, qui étions resté auprès de Poiloris pour essayer de le sauver, reprenons du terrain sur nos camarades. On rejoint d’abord Poilubert qu’on retrouve dans un sale état. Il souffre. Il est cramé. Puis on rejoint tout le reste de la compagnie au sommet de Vimy où se trouve un imposant mémorial. Ici, on est en territoire canadien et la terre ravagée par les obus a été laissée telle quelle. On a du mal à croire que des soldats aient pu survivre sous la pluie d’obus qui s’est abattue ici. 

Vimy ©Poilvain
Poilubert et Poilisnak décident de continuer seuls pour ne pas nous retarder car le détachement parisien a un train à prendre. Satanée mission, on ne fait que perdre des camarades au fil des kilomètres. Il fait froid et les assauts du vent redoublent de vigueur. Dans ce paysage de désolation, avec le ciel qui embrase l’horizon et les tirs lointains des chasseurs, nous entrevoyons de façon un peu floue l’horreur qu’a due être la guerre des tranchées.

Mais bien emmitouflés dans nos vêtements techniques, on se fait surtout plaisir sachant qu’un chocolat bien chaud nous attend quelque part dans un bar niché sous les arcades de la magnifique place d’Arras. Lorsque nous atteignons la gare, nous tombons dans les bras de Poiloris qui a réussi à trouver un taxi-VTTiste pour le ramener en ville. Puis c’est au tour de Poilisnak et de Poilubert d’arriver sains et saufs.
Place d'Arras
Encore une virée au poil. Notre expédition pacifiste n’aura finalement fait d’autres victimes que quelques vieilles pièces et des demis ! Et je me dis que tout ce qu’il faut au monde, maman, pour arranger les choses, c’est une bonne bière !

 

Plus rien de nouveau.

Ton cycliste de fils,
Poildudragon