Kagoshima, le 13 août 2016
風呂 a du mal à cacher sa déception. Il est entré dans ce restaurant car celui-ci se targuait de proposer un menu "sumo". Il pensait compenser son manque de chance de Nagoya en goûtant à la nourriture des lutteurs japonais.
Mais il faut croire que les sumos lui en veulent car la serveuse lui fait comprendre dans un anglais approximatif que le resto ne propose plus de menu spécial "sumo" et lui enjoint gentiment de choisir autre chose sur la carte. Sauf que tout est écrit en kanji sans la moindre petite image pour l'aider dans son choix. Voilà ce que c'est de faire le malin et d'explorer les endroits un peu éloignés des zones touristiques !
Tempura de champignons cueillis dans la forêt |
Voyant qu'il était un peu perdu, la serveuse a pris le temps de tout lui traduire en anglais mais ce n'était pas très compréhensible. Et lorsqu'il a crû reconnaître le mot "curry", 風呂 s'est réjouit. Ce n'est pas ce qu'il aurait aimé manger, mais ça aurait pu être pire. Il décida donc que ça lui irait très bien.
Petit déjeuner à Fukuoka |
A Beppu ou Obama, on cuit les aliments avec la vapeur des volcans |
Okonomiyaki d'anniversaire, une sorte d'omelette, spécialité d'Hiroshima |
Il y a des jours comme ça où la chance ne vous sourit pas. 風呂 est résigné. Il est mal tombé ce soir, certes, mais cela fait partie des aléas du voyage. Et lorsque la langue du pays est totalement différente de la sienne, il faut être prêt à mettre n'importe quoi dans sa bouche.
Hakata motsunabe: spécialité de Fukuoka. Ce sont des tripes. Comme le fils du patron est pratiquement né le même jour que moi, il m'offre le repas !!! |
Les deux premières gousses ne lui paraissent pas si mauvaises que ça. Mais se farcir tout une tête d'ail est quand même assez écœurant. Il sent bien aussi que les serveurs et les clients se paient sa tête. Qu'à cela ne tienne il mangera son ail jusqu'au dernier pion ! 風呂 a sa fierté.
Repas zen et stylisé à Tokyo, ce sont des nouilles de sarrasin: les soba |
Grâce à cette démonstration de gaman ou peut-être par pitié, la serveuse lui amène une bière, offerte par la maison, puis son voisin de table lui propose un verre de shōchū, un alcool fort distillé à base de patate douce. Celui-ci vient de l'île de Yakushima. Çà tombe bien, c'est là qu'il compte se rendre le lendemain. Pour ne pas louper le ferry, 風呂 a même prévu de planter sa tente, sur un bout d'espace vert, pile en face de l'embarcadère.
Le Ayu: un petit salmonidé pêché à Gujo Hachiman |
Puis ses voisins lui offrent des tas de plats à manger : de la soupe de riz, des sashimis de foie de poulet (crus donc) et des gyoza (des raviolis à la fois frits et cuits à la vapeur). Le shōchū coule à flot. Bientôt 風呂 connaît tous les clients et le personnel du bar. Finalement, il n'est pas si mal ce restaurant !
Soupe de riz |
On se parle un peu en anglais, un peu en japonais, en faisant des gestes et des dessins. Le traducteur automatique du téléphone semble bien fonctionner du français au japonais mais quand la serveuse lui tend son téléphone avec un large sourire et qu'elle semble attendre une réponse, 風呂 est perplexe. Selon le traducteur, elle lui annonce qu'elle parle aux nuages...
Les izakayas, signalés par une lanterne rouge, sont de tout petits bars où l'on mange et boit pour pas très cher et propices aux rencontres sympathiques |
Puis arrive le patron en personne. C'est un ancien sumo. A son tour, il offre à manger à tout le petit monde installé autour du comptoir. Il prépare un shabu shabu, une fondue japonaise, et demande comment s'appelle son invité occidental.
"Watashima Flo des", lui répond ce dernier qui à force de descendre les verres de shōchū est devenu quasiment bilingue.
C'est un nom assez simple pourtant les japonais ne savent pas prononcer deux consonnes à la suite. Ils sont obligés d'intercaler le son "ou" entre le F et le L ce qui donne "Foulo" ou "風呂".
Et cela fait bien rire son ami sumo: "Ah ah, c'est drôle, en fait tu t'appelles Baignoire !"
Le patron fait shabu-shabu. Littéralement, c'est le son que fait la viande lorsqu'on la touille pour la faire cuire dans la marmite. |
En effet, "風呂" est un type de baignoire traditionnelle japonaise. Et là, tout s'explique! Baignoire comprend enfin pourquoi il aime tant se prélasser dans les onsens, ces fameux bains d'eaux chaudes volcaniques où les japonais adorent se détendre. Il était prédestiné pour cela !
Le patron prépare des gyoza |
De plus, selon les kanjis qu'on utilise pour écrire son nom, Foulo peut aussi vouloir dire "Héron français" ou "qui ne meurt jamais". Bref, tout un programme !
Désert de luxe ! |
Mais il est temps de prendre congé et d'aller monter sa tente près du port car il est déjà 2h du matin. Il ne voudrait surtout pas rater le ferry sachant qu'il n'y en a qu'un par jour. Tout le monde se dit au revoir et on fait promettre à Baignoire de revenir après son escapade sur Yakushima.
Glace au thé vert maté et haricots rouges (la base de la plupart des desserts japonais) à Matsumoto |
Maintenant qu'il est debout, l'effet du shōchū se fait violemment ressentir. Malgré tout, il retrouve son vélo sans trop de difficultés et s'achemine cahin-caha vers le port. Par contre, au moment de planter la tente, il ne s'en sent pas le courage. Tant pis, pour une fois, il dormira à la belle étoile. Il laisse son vélo tomber contre une haie plus qu'il ne le pose et s'affale de tout son long dans l'herbe pour s'endormir aussitôt.
Laissons le-là. De toute façon, avec tout l'ail qu'il a mangé, il ne craint rien. Les vampires de moustiques devraient le laisser tranquille !
Boulettes vapeurs. Baignoire apprécie particulièrement les onigiri, des boulettes de riz farci |
Petit bonus de Noël
L'un des mets emblématiques du Japon est le fugu. Il s'agit d'un poisson-bulle venimeux qui se gonfle d'eau et se hérisse de pics mortels pour impressionner le malheureux animal qui aurait l'idée saugrenue de vouloir en faire son repas.
Les japonais l'accommodent de toutes les façons possibles, en sashimi, en cassolette, en tempura ou encore en soupe mais on ne sait pas trop bien ce qui en fait son succès: l'excitation du danger qu'il représente ou l'extrême subtilité de sa saveur qui se révèle assez fade pour le novice...
Plaque d'é(fu)gout. Partout au Japon, les plaques d'égout sont de véritables œuvres d'art |
Pratiquement tous les organes du poisson sont bourrés de toxines. Selon une serveuse, le fugu est un animal mystérieux et surprenant car les œufs de la femelle sont toxiques mais pas le sperme du mâle. C'est donc lui que les japonais consomment sous le nom de shirako (enfants blancs [sic]). La partie la plus dangereuse pour le gourmet kamikaze est le foie. On dit que lorsque vous en mangez, vous ressentez une sensation de picotement et que vos lèvres s'engourdissent.
Cassolette de shirako, la laitance du fugu |
Mais ne vous inquiétez pas. Peu de gens meurent parce qu'ils ont mangé du fugu. Les chefs qui se sont vus octroyer le droit d'en proposer à leur menu ont dû valider une certification extrêmement difficile que seuls 30 % d'entre eux réussissent. Lorsqu'un accident survient, il s'agit surtout de pêcheurs amateurs qui ayant attrapé un fugu sauvage ont voulu le préparer eux-mêmes. C'est donc prodigieusement rare. De plus les éleveurs ont compris que le fugu ne produit pas sa toxine lui-même mais qu'il la trouve dans ce qu'il mange et ont ainsi réussi à élever des fugu totalement inoffensifs en changeant leur alimentation.
Les Japonais rapportent et s'offrent souvent de la nourriture comme souvenirs de leurs escapades touristiques |
Si vous voulez déguster du fugu sauvage, il faut vous rendre sur l'île de Kyushu où se trouve Shimonoseki, une ville de pêcheurs dont c'est la spécialité. Vous arriverez à y trouver du fugu bon marché et bien préparé.
Shimonoseki, la ville qui respire fugu |
Merci pour ce cadeau de Noël Furo San !
RépondreSupprimerTout le plaisir est pour moi JJ-san!Joyeuses fêtes à toi et ta famille.
RépondreSupprimerNoyueux johel !!!!
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